La Gougou

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La terrible ogresse de l’île Bonaventure


La Gougou (ou Gouhou-Gouhou) est une ogresse terrifiante au coeur d’une légende micmaque très ancienne. Dans la culture populaire, ce monstre vivait autour de la baie des Chaleurs, soit la plaine de Miscou, Percé et sur l’île Bonaventure. Aussi nommée Gou Gou ou Gouhou-Gouhou, cette créature géante aurait eu l’apparence d’une vieille femme, une sorcière hideuse. Il y aurait des variantes de cette légende jusqu’en Acadie. Dans tous les cas, il s’agit d’une vieille femme géante se nourrissant d’Amérindiens.

La légende prend forme lorsque Samuel de Champlain, grand explorateur et fondateur de la ville de Québec, fait rapport de cette légende amérindienne en 1603. Il s’agit de la plus vieille référence écrite qui fut puisée directement des récits oraux amérindiens. La plupart des autres textes sont des adaptations et des interprétations d’historiens, ethnologues et conteurs qui se réfèrent directement au texte de Champlain.

Je vous présente sur cette page trois textes dignes d’intérêt au sujet de la légende de la Gougou, cette mystérieuse ogresse de l’île Bonaventure.


La légende du Gougou (1933)
Le rapport de Samuel de Champlain (1603)
Le matelot qui aurait tué la Gougou (1926)



La légende de la Gougou

Selon J.E. Perrault, 1933


À Percé même, on raconte l’histoire d’une ogresse géante, la « Gougou », qui habitait l’île Bonaventure.    

De   stature immense, plus haute qu’un mât de navire, elle faisait de fréquentes incursions sur la côte et s’emparait des pauvres sauvages, qu’elle emportait dans son antre et dévorait à pleines dents. Ajoutons qu’après l’arrivée des blancs et surtout des missionnaires, la Gougou n’est jamais revenue à Percé, ce qui porte à croire qu’elle n’existait que dans l’imagination naïve des enfants de la forêt.


(Extrait de J. E. Perrault, La Gaspésie : histoire, légendes, ressources, beautés, Quebec, Bureau Provincial du Tourisme, Ministere de la Voirie, 1933, p. 44). Autres légendes du même ouvrage disponible sur Dark Stories : Le beau danseur et Rose Latulipe, Le vaisseau fantôme de Cap d’Espoir, La Gougou, Un défi à Satan, Le braillard de la Madeleine, La jeune fille abandonnée



La Gougou, selon Samuel de Champlain


Lorsque Samuel de Champlain entendu parler de la Gougou pour la première fois, on lui expliqua que ce monstre était une ogresse épouvantable, ressemblant à une femme et dont le mât de son vaisseau ne lui arriverait pas à la ceinture. Pour les Micmacs, ceux-là mêmes que Cartier rencontra dans la Baie des Chaleurs, le rocher Percé et l’île Bonaventure auraient déjà logé une Gougou.

Il décrivit ainsi l’histoire que des Micmacs lui avaient raconté:

« Il y a encore une chose étrange, digne de réciter, ce que plusieurs sauvages m’ont assuré être vrai : c’est que, proche de la Baie des Chaleurs, tirant au Sud, il est une île où fait résidence un monstre épouvantable que les sauvages appellent Gougou, et ils m’ont dit qu’il avait la forme d’une femme, mais fort effroyable, et d’une telle grandeur, qu’ils me disaient que le bout des mâts de notre vaisseau ne lui fût pas venu jusqu’à la ceinture, tant ils le peignent grand ; et que souvent il a dévoré et dévore encore beaucoup de sauvages ; lesquels ils met dedans une grande poche, quand il les peut attraper, et puis les mange ; et, disaient ceux qui avaient évité le péril de cette malheureuse bête, que sa poche était si grande, qu’il y eût pu mettre notre vaisseau.

Ce monstre fait des bruits horribles dedans cette île, que les sauvages appellent le Gougou ; et quand ils en parlent, ce n’est qu’avec une peur si étrange qu’il ne se peut dire plus, et m’ont assuré plusieurs l’avoir vu.

Même ledit sieur Prévert de Saint-Malo, en allant à la découverte des mines, ainsi que nous avons dit au chapitre précédent, m’a dit avoir passé si proche de la demeure de cette effroyable bête, que lui et tous ceux de son vaisseau entendaient des sifflements étranges du bruit qu’elle faisait, et que les sauvages qu’il avait avec lui, lui dirent que c’était la même bête, et avaient une telle peur qu’ils se cachaient de toute part, craignant qu’elle fût venue à eux pour les emporter ; et qu’il me fait croire ce qu’ils disent, c’est que tous les sauvages en général la craignent et en parlent si étrangement, que si je mettais tout ce qu’ils en disent, l’on le tiendrait pour fables ; mais je tiens que ce soit la résidence de quelque diable qui les tourmente de la façon. Voilà ce que j’ai appris de ce Gougou. »

— Samuel de Champlain, Des Sauvages ou Voyages du Sieur de Champlain faict en l’an 1603


La légende de la Gougou, rencontre avec l'ogresse devant l'ile Bonaventure
La Gougou, Estampe 1966, Selon l’artiste Kittie Bruneau (1929-2021)




Le matelot qui aurait tué la Gougou

Selon Claude Melançon 1922


Pierre-Marie, natif de Bretagne, c’est fait embaucher à douze ans par le patron Cardurec, propriétaire de la « Reyne Anne », une solide petite goélette qui faisait la pêche dans les eaux gaspésienne. À son premier voyage il entendit parler de la Gougou dont les Micmacs faisaient une description épouvantable et le désir de voir cet être monstrueux le tourmenta.

Un jour que son patron était retenu à terre, il emprunta une pirogue indienne, et traversa à l’île. Son escapade découverte, le propriétaire de la pirogue se mit en quête de son embarcation avec d’autre indiens. À deux milles au large de l’île, ils trouvèrent Pierre-Marie évanoui au fond de l’embarcation à la dérive. Ramené au camp des morutiers le petit mousse raconta son aventure.

Ayant atterri à la baie des marigots, sur le coté sud-ouest de l’île, il avait tiré sa pirogue sur la grève puis s’était enfoncé dans la forêt de sapins. Il marchait depuis quelques temps prenant confiance à chaque pas, quand tout à coup, il entendit un bruit comme en ferait un soufflet de forge. En même temps une odeur de charnier se répandait dans l’air. Pierre-Marie se retourna. Sainte Vierge ! À moins de dix toises se tenait un monstre effrayant. Il ressemblait de corps à un lion marin mais beaucoup plus gros. De sa face, ridée comme celle d’une vielle sorcière, débordait de longues dents pointues. Deux yeux méchants brillaient derrière des poils jaunes qui pendaient jusqu’au menton. Pierre-Marie ne perdit plus de temps à examiner la Gougou.

Il poussa un cri d’effroi et prit sa course à travers bois, poursuivi par le monstre, dont il sentait l’haleine puante. Il courait droit devant lui le petit mousse, sans se garer des branches qui lui fouettaient le visage, trop effrayé pour se rendre compte qu’il se dirigeait au hasard. Il comprit son erreur en débouchant du bois. À deux pas était la falaise abrupte et, deux cents pieds plus bas, la mer. Derrière venait la Gougou.

Mourir pour Mourir, pensa Pierre-Marie, autant se noyer que d’être dévoré par cette affreuse bête. La Gougou arrivait sur lui. Après s’être signé, il fit les deux pas qui le séparaient de l’abyme, ferma les yeux et sauta…

Miracles ! À pine eut-il quitté le bord de la falaise qu’il sentit deux grandes ailes le supporter et le déposer tout doucement dans une embarcation. Là il perdit connaissance. C’était tout ce qu’il savait, et le patron Cardurec, même en le menaçant du chat à neuf queues s’il ne disait pas la vérité, n’en pu tirer davantage.

Quelques pêcheurs attribuèrent aux margaux ce sauvetage miraculeux mais on blâma ces esprits forts. Seuls les anges pouvaient être responsables. Pierre-Marie reçu le surnom « d’enfant de la vierge » et, par la suite, à chaque retour de voyage, il ne manquait pas d’offrir un cierge à sa sainte protectrice. Quant à la Gougou, on ne la revit plus. Des indiens ont prétendu avoir vu sa carcasse au pied de la falaise, à l’endroit même ou le petit mousse opéra sa descente miraculeuse.

Claude Mélançon, LÉGENDES DE PERCÉ, Mon magazine, mai 1926, p.09

NDLR: Je suis tombé plusieurs fois sur ce fameux texte de Claude Melançon, sans jamais être capable de situé la provenance de cette histoire. Finalement, j’ai réussi à retrouver l’article dans le « Mon magazine » de mai 1926. Claude Melançon y ajoutait une précision importante:

« La tradition orale a conservé très peu de ce merveilleux fugitif et les légendes qui suivent [les légendes contenues dans l’article] n’ont pas été recueillies sous leur forme présente. Un vague récit de pêcheur, un mot populaire, une etymologie curieuse les ont d’abord inspirées; l’imagination [de l’auteur] a fait le reste. » – C. Melançon

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