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    Le Béhémoth

    Considéré comme une créature gigantesque, le Béhémoth ne peut être dompté que par Dieu.

    C’est dans le livre de Job (40:15-24), l’un des plus anciens textes de la Bible, que le Béhémoth fait son apparition. À cause de sa complexité et de sa portée symboliques, ce livre, rédigé en prose, est réputé pour être l’un des plus complexes de la Bible. Le Béhémoth y est décrit comme une créature titanesque, invincible sauf par Dieu lui-même. En hébreu biblique, son nom בהמות (Behemot) évoque la plus grande et puissante créature terrestre.

    Voici l’extrait en question, tiré du Livre de Job 40:15–24:

    « Regarde donc : voici Béhémoth. Je l’ai créé tout aussi bien que toi. Comme le bœuf, il se nourrit de l’herbe.

    Vois quelle force réside dans sa croupe ! Quelle vigueur dans ses muscles des flancs !

    Il plie sa queue, solide comme un cèdre. Et les tendons sont tressés dans ses cuisses.

    Ses os ressemblent à des barreaux de bronze, son ossature à des tasseaux de fer.

    C’est le chef-d’œuvre de Dieu, son créateur qui lui impose le respect par le glaive.

    Des monts entiers produisent son fourrage, là où s’ébattent les animaux sauvages.

    Il dort à l’ombre, caché dans les lotus, sous le couvert des roseaux du marais.

    Il est couvert par l’ombre des lotus, les peupliers du torrent le protègent.

    Si l’eau déborde, il ne s’en émeut pas. Si le Jourdain se jette dans sa gueule, il reste calme et en sécurité.

    Va-t-on le prendre à face découverte et l’entraver en lui perçant le mufle ? »1

    Cette description a conduit certains créationnistes à suggérer que le Béhémoth pourrait être un dinosaure ayant vécu à l’époque biblique. Dans la tradition juive, il symbolise un monstre primitif de la terre, incarnation du chaos. Il est aussi vu comme une créature mythique issue de traditions mésopotamiennes ou cananéennes. Certains chercheurs, plus pragmatiques, estiment que le passage biblique décrit en réalité un hippopotame du Nil, à travers un langage poétique et hyperbolique.

    Animal territorial et imprévisible, l’hippopotame a probablement inspiré la crainte chez les premiers explorateurs qui en firent la rencontre. Ce mammifère imposant, capable de charges fulgurantes et de comportements agressifs, a naturellement nourri l’imaginaire collectif, devenant parfois le cœur de mythes où la réalité se mêle à l’exagération.

    Créature titanesque surgissant du volcan
    Béhémoth et Léviathan
    Lithographie de William Blake (1757–1827)

    Au fil des siècles et des traductions, le terme « béhémoth » en est venu à désigner toute créature de grande taille ou de puissance exceptionnelle. Par exemple, un rorqual est parfois qualifié de « béhémoth marin », bien que cela soit un contresens étymologique.

    Dans la tradition juive, le Béhémoth incarne le mal et le démon. Son apparence varie selon les sources : taureau gigantesque, hippopotame colossal, rhinocéros titanesque… Dans le livre apocryphe d’Énoch, il est présenté comme un mâle, compagnon du Léviathan. Dieu aurait regretté leur création.

    Origines mythiques

    Le Béhémoth, tout comme le Léviathan, pourrait trouver ses racines dans les mythes babyloniens, où ils représentent les monstres marins primordiaux du chaos : Apsû et Tiamat. Ces figures incarnent respectivement les eaux douces et les eaux salées, et leur affrontement avec Marduk dans l’Enuma Elish préfigure les combats cosmiques de la Bible.

    À l’aube de l’ère chrétienne, le Béhémoth perd ses attributs aquatiques pour devenir un monstre terrestre, tandis que le Léviathan conserve sa nature marine.

    Dans le Midrash — recueil d’interprétations rabbiniques des textes sacrés — on raconte qu’un combat titanesque aura lieu à la fin des temps entre le Béhémoth, identifié comme un taureau géant terrestre, et le Léviathan, monstre marin légendaire. Selon cette tradition, le Léviathan transpercera le Béhémoth avec sa nageoire, tandis que le Béhémoth le transpercera à son tour avec ses cornes. Ce double coup fatal entraîne leur mort simultanée, scellant le destin des deux monstres primordiaux. Leur chair, sanctifiée par le triomphe divin sur le chaos, sera servie aux justes lors du banquet final.2

    Cette idée est également présente dans le Baruch syriaque (XXIX, 4), aussi appelé Apocalypse de Baruch, où Dieu révèle que ces deux créatures, créées au cinquième jour, seront servies aux justes lors du festin eschatologique3.

    On retrouve cette affirmation dans le Quatrième Livre d’Esdras (VI, 47) :

    « Le Léviathan et le Béhémoth furent créés au cinquième jour, et Dieu les sépara, l’un dans la mer, l’autre dans le désert, pour qu’ils soient réservés au festin des justes. »4

    Le Behemoth affronte le terrible Leviathan
    Le Béhémoth contre le Léviathan — Combat eschatologique

    Dans une scène apocalyptique inspirée du Midrash, le Béhémoth surgit des terres, cornes en avant, pour transpercer le Léviathan, monstre des mers. Leurs silhouettes titanesques s’affrontent sous une tempête divine, près d’un village côtier figé par la terreur. Ce duel cosmique, scellé par un double coup fatal, annonce le festin des justes à la fin des temps — où la chair sanctifiée des deux créatures sera servie comme offrande de victoire sur le chaos.

    Références : Midrash Bereshit Rabbah, Apocalypse de Baruch (XXIX, 4), IV Esdras 6:47
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    Anecdote cartographique

    Une carte de 1706 réalisée par le cartographe Guillaume de Lisle affirme que le Béhémoth se pêche dans le golfe du Lens (aujourd’hui le fleuve Léna, en Sibérie). Il s’agirait en réalité d’une confusion avec la chasse au morse, fréquente dans les récits de l’époque.

    Le Béhémoth dans l’imaginaire populaire et au cinéma

    Au-delà des textes sacrés et des interprétations théologiques, le Béhémoth a trouvé une place dans la culture populaire comme symbole de puissance incontrôlable et de menace souterraine. Dans le cinéma de genre, il incarne souvent une créature titanesque surgissant des entrailles de la Terre, réveillée par des perturbations humaines ou naturelles.

    Un exemple marquant est le téléfilm Behemoth (2011), également connu en français sous le titre Le Monstre des abîmes ou Béhémoth, la créature du volcan. Réalisé par W.D. Hogan et diffusé sur la chaîne Syfy, ce film fait partie de la célèbre Maneater Series, une collection de films d’horreur mettant en scène des créatures prédatrices et surnaturelles. L’histoire se déroule autour du Mont Lincoln, un volcan apparemment éteint, où des secousses mystérieuses annoncent l’éveil d’un monstre colossal. Ce Béhémoth cinématographique, de la taille d’une montagne, incarne une terreur archaïque, à la fois mythologique et géologique.

    Bien que le film prenne des libertés avec la source biblique, il témoigne de la manière dont le Béhémoth continue d’inspirer des récits modernes, oscillant entre légende, science-fiction et horreur. Il devient ainsi une figure récurrente dans les œuvres qui explorent le chaos enfoui sous la surface du monde.

    Le Béhémoth est associé à la terre, tandis que le Léviathan règne sur les eaux. Ensemble, ils incarnent les forces primordiales dans certaines traditions apocalyptiques juives

    Pas dans le sens classique. Il est plutôt vu comme une créature divine ou mythique, parfois réinterprétée comme démoniaque dans des textes apocryphes ou ésotériques.

    Oui, on le retrouve dans des gravures médiévales, des manuscrits religieux, et même dans des œuvres modernes inspirées par l’iconographie biblique.

    Absolument. Il a influencé des monstres dans la littérature fantastique, les jeux vidéo, et le cinéma, notamment dans des œuvres comme la collection Maneater Series.

    Béhémoth biblique surgissant du marais, effrayant des témoins hébreux sur la rive.
    Le Béhémoth surgit des eaux couvertes de nénuphars, terrifiant les témoins hébreux. Une interprétation visuelle inspirée du Livre de Job et des traditions midrashiques. © 2025 Dark-Stories.com / Image générée par IA – tous droits réservés
    Le Béhémoth incarne la puissance brute de la terre.
    Tel que décrit dans le Livre de Job et les traditions rabbiniques, le Béhémoth incarne la puissance brute de la terre. Ce taureau monstrueux, gras et musculeux, avance sans se soucier des arbres qu’il écrase sous ses sabots. Trois fois plus grand que la canopée, il domine la forêt comme une montagne vivante. Sa marche est celle d’un chef-d’œuvre divin, invincible sauf par Dieu lui-même — une force primordiale, indomptable et sacrée.

    📖 Référence : Livre de Job 40:15–24 & Midrash Bereshit Rabbah
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    Références:

    1. Livre de Job 40:15–24, traduction liturgique française publiée par l’Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones (AELF). Texte consultable en ligne : aelf.org – Job chapitre 40
    2. Source hébraïque : בהמות (תנ »ך) – ויקיפדיה
    3. Jean-Daniel Dubois, Apocalypses juives, collection “La Bible – Écrits intertestamentaires”, Éditions du Cerf, 1981
    4. Quatrième Livre d’Esdras, chapitre VI, verset 47. Traduction française par Gustave Brumet, disponible sur le site Remacle.org – Apocryphes : Quatrième Livre d’Esdras

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